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Le soleil fait le tour de la terre et certaines personnes reçoivent sa chaleur et sa lumière avant d’autres. On peut courir et essayer d’aller convaincre les personnes qui sont toujours dans leur "nuit" que le soleil arrivera, que c’est fantastique toute cette lumière, cette chaleur et cette clarté mais la plupart auront de la difficulté à y croire. On peut leur dire n’importe quoi, essayer de les convaincre mais souvent, elles ne croiront pas parce qu’elles ne sont pas rendues là. Elles ne l’ont pas encore expérimenté et ne peuvent donc pas le comprendre. Surtout quand tout est beaucoup plus clair, tout est évident et tellement beau une fois la lumière allumée. On aurait envie de secouer les gens et de leur parler pendant des heures, de leur mentionner tous les bienfaits de la méditation, du yoga, des voyages chamaniques en espérant voir apparaitre la lueur dans leurs yeux.
Cette définition de l’abus spirituel discrédite directement toutes sortes d’ontologismes compris comme l’imposition extérieure d’un objet spirituel, voire religieux, non appréhendé et non désiré par le sujet. Une sorte de téléologie inversée familière du dogmatisme religieux qui s’oppose à la conscience dans sa vitalité et, disons-le, dans sa fragilité intrinsèque. C’est précisément là où nous louons l’effort de Roy qui, bien que théologien, engage une réflexion de fond pour valoriser une typologie de la transcendance « séculière» capable de servir le dynamisme vitaliste de la conscience humaine. Quand Briançon souligne le fait que l’un des grands mérites de l’oeuvre lévinassienne est de reconnaître le besoin qu’a l’être humain de spiritualité (p. 10), il s’agit de s’interroger sur ce type de spiritualité.
Peut-on encore parler de spiritualité si celle-ci ne respecte pas la conscience humaine et ne sert pas l’humanisation de son sujet ? Conséquemment, comment une conscience, implosée par un abus spirituel, peut-elle se reconstruire ? Au minima, la phénoménologie « humaniste » de la transcendance telle que proposée par Roy offre à la blessure spirituelle le facteur temps. Le théologien « philosophe » soulignera ce fondement anthropologique en rappelant que « l’éveil peut être provoqué par un vide ou par une plénitude (…). Qu’elle possède la richesse de variété de ses modes de transcendance et la subtilité de son mouvement. » Au maxima, c’est l’attraction provoquée par l’objet désirable qui restaurera progressivement et discrètement une conscience abusée.
L’éveil ne règlera pas vos problèmes actuels, mais vous les vivrez avec plus de détachement. L’éveil n’est ni l’aboutissement du chemin, ni le résultat d’une action. Être coupé de la Source ou être son prolongement, Gaia Total là est la principale différence de l’ego avant et après l’éveil. Notre intuition, nos émotions, notre créativité, notre conscience et notre inspiration nous poussent à explorer et expérimenter la vie sous toutes ses formes. On peut perdre goût à notre travail et à des conversations qu’on trouve tout à coup vraiment ennuyeuses et superficielles.
Si les vagues de dénonciations d’abus sexuels par les victimes et les associations ont ébranlé la jurisprudence canonique et civile, il en est tout autrement en ce qui regarde l’abus spirituel. Parce que précisément sa matière est d’ordre spirituel, on éprouve de la difficulté à solliciter le juridique (Dinechin et al., 2019, p. 135). Et pourtant, la violation d’une conscience ou d’une vie intérieure peut être objectivement d’une grande violence, nous l’avons vu avec l’analyse de la vignette clinique, comme d’ailleurs avec le rapport systémique des strates entre elles et avec leurs variations possibles. Il appartient donc au monde de l’accompagnement spirituel, autant séculier que religieux, d’anticiper ce type d’abus. Le plan spirituel a énormément de pouvoir sur la conscience de l'ego en éveil.